• Interdisons la chasse !

    Avertissement pour les personnes allergiques : cet article contient des traces d'ironie, d'humour noir et de radicalité...

     

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    Ces dernières semaines, joli palmarès pour les chasseurs ! Ils ont mis à leur tableau de chasse un enfant de 11 ans, un autre de 13 ans tué par son grand-père (!), une personne blessée par une balle ayant traversé un chevreuil, et rien qu'en Savoie : 4 ânes tués dans un pré (il faut le faire!! Même les Inconnus n'auraient pas imaginé pareille énormité), et une voiture touchée par une balle de calibre 12 mm alors qu'elle roulait sur une route ! (les 2 automobilistes ont littéralement eu chaud aux fesses...)1. Ce qui s'ajoute au joggeur abattu dans les bois du Semnoz en décembre 2015 sous les yeux de sa compagne (l'horreur est humaine...) et au cheval confondu avec une biche en octobre 2016 dans les Bauges (forcément, il va marcher beaucoup moins bien, maintenant!).

    La question c'est : à qui le tour ?...

     

    Interdisons la chasse !

    C'est là qu'on réalise ce qui est pourtant évident : laisser des gens armés se balader en pleine nature présente des risques... On les accepte ou pas2...

    Je laisse tout de suite la parole aux chasseurs pour qu'ils présentent leurs arguments : "C'est un accident, un regrettable accident...". En clair : c'est la faute à pas de chance... "On fait tout ce qu'on peut pour qu'il n'y ait pas d'accident, on vous jure !". Ou alors : "Cet accident est le fait d'un individu qui n'a pas respecté les règles, et nous le condamnons avec la plus grande fermeté.". En clair : il y a le bon chasseur et le mauvais chasseur... Le problème c'est que le non-chasseur est en droit de se demander quelle est la proportion de "mauvais chasseurs" parmi ceux qu'il peut être amené à rencontrer dans la nature. Entre ceux qui tirent comme un manche et ceux qui tirent sur tout ce qui bouge, on peut raisonnablement être inquiet...

     

    Interdisons la chasse !

    Trop c'est trop ! Les accidents de chasse sont rares3, mais peut-on encore tolérer qu'il y en ait ? Passe encore que les chasseurs se tirent entre eux, on pourrait dire que ce sont les risques du métier, mais qu'ils exposent les non-chasseurs à des dangers mortels, cela est inacceptable. Inacceptable déjà de ne plus pouvoir se promener tranquillement et en sécurité dans la nature. On y va pour chercher la quiétude (notamment) mais il faut y aller avec la peur au ventre... Il y a quelque chose qui cloche ! Tout ça parce que certains s'adonnent à une passion morbide et violente. Je ne suis pas d'accord ! C'est déjà assez pénible de sortir dans la rue en se disant qu'on va peut être dans finir 10 minutes dispersé façon puzzle pour permettre à un barbu décérébré d'atteindre le paradis ! Si les attentats terroristes peuvent dissuader de participer à certaines manifestations publiques, la fréquence des accidents de chasse peut dissuader de sortir se promener dans la nature les jours de chasse, c'est à dire presque tous les jours ! Ce n'est pas acceptable ! Personnellement je refuse de rester enfermé chez moi.

     

    Il y a clairement un problème de cohabitation entre les chasseurs et les non-chasseurs : promeneurs, cueilleurs de champignons, joggeurs, vététistes, enfants qui jouent dans les bois... Les uns ont aujourd'hui le droit de chasser, mais les non-chasseurs ont le droit d'évoluer tranquillement dans la nature et en sécurité ! Le problème c'est que l'usage des uns (les chasseurs) compromet l'usage des autres (les non-chasseurs), alors que l'inverse n'est pas vrai (j'exclus le cas du salaud de vététiste dont les crissements de frein font fuir le gibier...).

     

    A ce problème il y a en théorie 4 solutions :

     

    A) on maintient la cohabitation, mais on prend des mesures pour réduire les risques :

     1) On oblige les non-chasseurs à revêtir un gilet fluo, demain une casquette à grelots, après-demain un gilet pare-balles... Après après-demain, on obligera le péquin moyen à se faire injecter une puce dans le bras qui, par satellite, renverra un signal sur le smartphone des chasseurs évoluant dans les parages, via l'application "NeButePasTonVoisin". Et on demandera aux automobilistes de rouler en papamobile blindée sur les routes isolées pour se protéger des balles perdues ou des ricochets malencontreux... Outre qu'elle ne ramène pas le risque à zéro, cette solution revient à faire assumer les risques aux victimes potentielles. Je ne suis pas d'accord4.

    Interdisons la chasse !

    2) Et de l'autre côté on forme nos chers chasseurs : on leur apprend à chasser proprement, net et sans bavure. A ne pas tirer en direction des gens, des habitations, des routes... C'est ce qui se fait déjà. Les accidents de ce mois de septembre interviennent alors que les fédérations de chasse ont fortement investi dans la formation ces dernières années. Merci, mais ça n'a pas l'air d'avoir été très efficace...

     

    B) On décrète que la nature appartient aux chasseurs, et que les autres n'y pénètrent qu'à leurs risques et périls. Ce serait une sorte de privatisation de la nature par les chasseurs, qui est déjà plus ou moins en place, à travers la dissuasion dont j'ai parlé plus haut. Là aussi il y a quelque chose qui cloche. La nature est en effet, par définition, LE bien commun, non privatisable. Cette privatisation n'est donc pas acceptable. Surtout par une minorité de la population.

     

    C) La solution du planning, déjà en partie utilisée : on interdit la chasse certains jours. C'est la solution "Promenons-nous dans les bois, pendant que le chasseur n'y est pas"... Sauf que se mettre d'accord sur les jours concernés par l'interdiction est loin d'être facile. Question de rapport de force, dans laquelle les chasseurs s'en tirent bien (normal : ils ont des flingues!). Pour ma part je n'autoriserais la chasse qu'un seul jour de la semaine. Cette proportion d'1 sur 7 me semble même très généreuse au regard de la proportion de chasseurs dans la population (de l'ordre d'1 million sur 50 millions d'adultes).

     

    D) Il convient d'envisager sérieusement la solution radicale, celle qui prend le problème à la racine et supprime le risque à la source : interdire la chasse. Je dis "interdire" car je doute que les chasseurs raccrochent volontairement leur fusil au râtelier, même pour la bonne cause du bien-être de leurs concitoyens...

    Aujourd'hui une minorité puissante impose à tous les autres les risques mortels de sa passion. On peut concevoir que la majorité impose enfin son désir de sécurité, de quiétude et d'harmonie ! Cette solution découle d'un adage célèbre et essentiel, qui dans le cas de la chasse trouve une application élémentaire : la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres.

    J'ai d'autant moins de scrupule à proposer cette solution que la chasse n'est pas pour moi une liberté légitime. Non seulement elle n'a plus depuis des lustres de caractère de nécessité, mais j'ai toujours eu le plus grand mal à comprendre ce hobby, ce loisir, cette passion morbide de buter des animaux pour le plaisir... Que tuer un animal puisse entraîner une sensation de plaisir est un total mystère pour moi5.

     

    Surtout, je crois qu'il est tout à fait possible de vivre heureux sans tuer des animaux tous les 4 matins. C'est ce que font la plupart des gens... pourquoi les chasseurs n'y arriveraient-ils pas ?!

    Sur le plan légal, je ne crois pas qu'interdire la chasse serait une privation excessive de liberté.

    Les chasseurs vont me dire qu'interdire la chasse ce serait assassiner leur culture, leur tradition. Je conçois très bien que la chasse fait partie de leur mode de vie. Cependant je n'ai pas de regret à préférer cet assassinat à un celui des animaux sauvages et des promeneurs !

    Après tout, il y a d'autres passions coupables qui ont été légitimement interdites et réprimées à un temps t de l'histoire, comme la lapidation, la pédophilie ou le lancer de nains...

     

    Surtout qu'il y a des alternatives à la chasse. Comme dans la chanson de Michel Delpech, le chasseur repenti peut emmener son épagneul en promenade ; sans son fusil ! (si nécessaire on peut prévoir des fusils en mousse pour ceux qui vivraient mal la séparation...) Plutôt que de les tuer, il pourra débusquer les animaux pour les regarder avec ses jumelles, son appareil photo, ses yeux, et son cœur... Et, pour les excités de la gâchette sur qui les cures de désintoxication seraient sans effet, il reste des possibilités de se faire plaisir :

    ° chasser uniquement dans des forêts privées (merci quand même de prévoir une muraille assez haute pour contenir les balles perdues...)

    ° travailler dans un abattoir (même si ça n'a rien de comparable : on n'a ni le temps ni la place de courir après les animaux pour les tuer...)

    ° s'engager dans l'armée (à noter que pour la section "tireurs d'élite", un supplément de formation est exigé...)

    ° aller vivre aux USA : là bas, on a presque le droit de tirer sur des humains ! (Noirs de préférence), la fusillade est le sport national ! Carnage garanti !

    ° jouer aux jeux vidéos ; avec les techniques de réalité augmentée, les jeux de tir d'aujourd'hui sont vraiment mortels !! Large choix d'armes, de victimes, d'environnements, c'est le grand luxe ! Et le plaisir est sans limite : 518 cerfs à la minute, bravo Jean-Claude, t'es un killer !

     

    Interdisons la chasse !

    Je réponds enfin à ce dernier argument qui prétend que les chasseurs sont indispensables car ils assurent une mission d'intérêt collectif en régulant les populations animales et en évitant les surpopulations de certaines espèces et leurs méfaits ; argument qui tend à faire passer pour un sacerdoce l'amour macabre de la viande tiède. Si les populations animales doivent être régulées, que cela soit fait par des professionnels ! Il existe un office national de la chasse de la faune sauvage (ONCFS) qui pourrait être chargé de ce service public. A minima, la régulation pourrait être faite dans des conditions optimales de sécurité par des volontaires choisis pour leur sérieux et leur compétence et encadrés par les professionnels de l'ONCFS. Cela permettrait à certains de continuer à jouer de la gâchette tout en limitant les dépenses publiques. N'oublions pas que depuis quelques années c'est aussi la chasse aux fonctionnaires qui est ouverte...

     

     

     

    °°°°°°°°°°°

    1 Autre fait notable : cette voiture de chasseurs qui démarre et qui laisse tomber par terre le fusil que le conducteur avait oublié sur le toit...

    2 De manière générale, si quelque chose présente un risque (le jeu, le sport, la cigarette, les pesticides, le nucléaire ou les usines Seveso...) on met dans la balance les bienfaits de cette chose ; c'est un des éléments qui joue dans l'acceptabilité du risque. Dans le cas de la chasse, les bienfaits me semblent limités à la régulation de la faune sauvage. Voir à la fin de l'article ma position sur cette question.

    3 L'ONCFS a relevé 143 accidents pendant la saison de chasse 201--2017, dont 18 accidents mortels (aucun non-chasseur).

    4 Je veux bien mettre un casque quand je roule en vélo mais pas de protection contre les chasseurs. La différence entre les 2 situations réside dans la légitimité et l'acceptabilité du risque.

    5 J'ai cru un temps que c'était une survivance des temps primitifs ; que les chasseurs d'aujourd'hui étaient des nostalgiques de Cro Magnon, regrettant la belle époque où l'on allait chercher soi même son steak dans la forêt, en se mettant du sang plein les mains (alors qu'aujourd'hui l'homme moderne est contraint de zoner avec son caddie à la main dans le rayon frais des supermarchés et n'a plus de contact qu'avec un bout de polystyrène aseptisé... Triste époque...). Mais j'oubliais que nos ancêtres chassaient uniquement pour se nourrir. Si l'on peut supposer à Cro Magnon un esprit revanchard par rapport à une nature qui lui en faisait bien baver (la plupart du temps, c'est lui qui se faisait chasser!), les scientifiques n'ont pas démontré qu'il prenait du plaisir à tuer ses proies. Je crois au contraire que la très grande majorité des représentants des homo sapiens éprouve de la répulsion à tuer un autre animal.

    Les explications qui m'apparaissent le plus plausibles aujourd'hui c'est que la chasse est le moyen, pour certains qui en sont particulièrement friands, de se procurer un sentiment de toute puissance. Elle est pour ces personnes un défouloir ; un moyen légal de laisser libre cours à leur pulsion de mort, qu'ils ne peuvent contenir. Je crois que le flingue que le chasseur tient dans ses mains a par ailleurs une connotation sexuelle inconsciente, qui tient une certaine place dans son sadisme. Je dis que la pulsion de mort de quelques uns doit s'effacer devant la pulsion de vie de tous les autres !

     


  • Commentaires

    1
    Sergio
    Jeudi 2 Novembre 2017 à 11:26

    Oui, je partage ce point de vue, à savoir que ce devrait être à l'ONCFS de réguler  les populations animales. Il y a en ce moment de nombreux sangliers dans le Parc de Miribel Jonage. Or ce Parc est très fréquenté par les promeneurs. Un sanglier peut charger un humain s'il est surpris ou poursuivi. Les chasseurs vont effectuer une battue pour en éliminer un certain nombre et c'est normal car ils sont très nombreux mais en ce cas là il faudrait interdire l'accès aux promeneurs le temps de la battue ce qui ne sera pas le cas ! L'ONCFS mettrait tout le monde d'accord.

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