• La règle d'or : la règle de base du vivre ensemble

    Je veux vous parler aujourd'hui d'un principe qui me tient à cœur et qui me paraît véritablement capital, fondamental1 pour la vie en société. Un élément essentiel de ce que j'appelle la métamorphose. Il s'agit de "la règle d'or" : "fais à autrui ce que tu voudrais que l'on te fasse" (ou "comporte toi avec autrui comme tu voudrais que l'on se comporte avec toi"2).

     

     

     

    Une règle universelle oubliée

    Vous connaissez forcément cette règle dans sa version négative : "ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse". Pourtant elle me semble aujourd'hui quasiment oubliée, et délaissée. C'est à dire ni enseignée, ni, surtout, appliquée3... Pour ce qui est de la version positive ("fais à autrui ce que tu voudrais que l'on te fasse" ), c'est pire : presque personne ne la connaît !

     

    Et pourtant, sous des formulations diverses, elle figure dans toutes les grandes sagesses et religions (confucianisme, bouddhisme, islam, christianisme, zoroastrisme...). On la retrouve aussi chez des philosophes comme Marc-Aurèle ou Voltaire. Et même dans la constitution française de l'an III (17954).

     

    Enfin, quand je dis qu'elle est oubliée, ce n'est pas totalement vrai : il y a encore un endroit où la règle d'or est présente : dans les toilettes des lieux publics5 ! Quand vous voyez un panneau du genre "Merci de laisser cet endroit aussi propre que vous aimeriez le trouver en arrivant", c'est de la règle d'or 100 % pur jus !

    Et il y a encore quelques personnes qui y font référence aujourd'hui. Barack Obama, par exemple, a conclu son discours du Caire, adressé au monde musulman le 4 juin 2009, avec le principe de la règle d'or6.

     

    Une règle à restaurer

    Mais en tous cas, pour moi, cette règle n'a pas aujourd'hui la place qu'elle mérite : le premier plan.

    Je souhaite ardemment que la règle d'or ne soit pas appliquée que dans les toilettes ! Qu'elle soit à la base de nos comportements, de nos gestes quotidiens. Qu'elle soit une des choses essentielles que l'on enseigne aux enfants ; à la maison, à l'école, chez la nourrice, dans les "centres aérés". Que les religions et les autres "écoles" morales, éthiques, philosophiques mettent en avant cette règle fondamentale. Et qu'elle soit au final mise en œuvre par le plus grand nombre.

    Une invitation plutôt qu'une injonction

    On peut regretter que la forme négative de la règle d'or – "Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse" – sonne comme une injonction ou une interdiction, à la manière des commandements judéo-chrétiens ("tu ne voleras point"7, "tu ne tueras point", etc). Cependant, cette règle me paraît tellement évidente, tellement juste dans le fond, que cette forme injonctive ne me dérange pas.

    Je lui préfère cependant sa forme positive : "fais à autrui ce que tu voudrais que l'on te fasse". Pour moi, ce n'est pas une injonction, ni une règle morale. Ce n'est pas quelque chose qui serait décrété une autorité supérieure ; quelque chose que l'on me commanderait de faire ; "voici ce qui est bien, voici ce qui est mal ; fais ce qui est bien, ne fais pas ce qui est mal". Ce n'est pas une obligation, ni un devoir.

    Non, parce que la règle d'or repose sur le bon vouloir. Pour moi, c'est un pur précepte éthique ; une règle que l'on se donne à soi-même ; une règle de vie, de conduite. Avec la règle d'or tout part de soi : de la façon dont on voudrait que les autres se comportent avec nous, de ce que l'on apprécie ; de nos besoins, en somme. Ainsi je la prends bel et bien comme une invitation. A accepter ou à refuser...

    Un précepte fondamental et évident ; une règle la fois basique et très ambitieuse

    La règle d'or est clairement un principe altruiste. Elle est pour moi la règle de base du vivre ensemble ; de la civilité8 ; et même de la civilisation9.

    Regardons la forme négative : "Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse". Ce précepte, c'est celui du respect mutuel10, qui est quasiment une condition pour vivre en société. Comment les êtres sociaux que nous sommes pouvons coexister sans mettre en œuvre ce principe ? Puisque nous sommes destinés à vivre avec nos semblables (et pas isolés chacun au sommet d'une colline !), je suis tenté de dire que nous n'avons pas le choix ! Cette règle est quasiment logique, évidente, rationnelle.

    Bien sûr, ce n'est pas pour ça qu'elle est mise en pratique par tout le monde, tout le temps, que nous nous respectons tous les uns les autres11... Si je réfléchis à ma journée d'hier par exemple, n'ai-je pas fait des choses que je n'aurais pas aimé que l'on me fasse ? (ou que je n'aime pas que les autres fassent...) Sans me culpabiliser, je trouve que chercher à réduire ou à supprimer ces choses là est un vrai défi personnel !

    Regardons maintenant la formulation "positive" de la règle d'or : "fais à autrui ce que tu voudrais que l'on te fasse". On voit que cela va au delà du respect mutuel ; cela nous emmène dans une dimension positive du respect. Par exemple : quand, au moment de partir après avoir passé la nuit dans un refuge de montagne sans gardien, on pense à remettre du bois à l'intérieur pour les prochains qui vont venir.

    La règle d'or nous emmène loin : quand j'imagine ce que cela ferait de suivre cette règle, toutes les implications, j'entrevois une perspective saisissante sur ma vie. Cela va encore plus loin que la formulation négative.

    J'ai parlé plus haut de "vivre ensemble". Mais s'agit-il uniquement de co-exister ? Tant qu'à faire, efforçons-nous de vivre ensemble agréablement ! Eh bien, voilà exactement à quoi nous invite la règle d'or : à la bienveillance, et même au delà : à œuvrer au bien-être de l'autre ; à œuvrer, les uns pour les autres, au bien-être de l'autre. Sans obligation, encore une fois.

    C'est dans ce sens là que j'entends le fameux "aimez vous les uns les autres" de Jésus Christ12. La règle d'or apporte un fondement, un support concret à cette formule : pour la mettre en pratique, il "suffit" d'aimer l'autre comme soi-même ("comme tu voudrais que l'on se comporte avec toi").

    Derrière son aspect "tout bête" et sa formulation limpide, il est clair que la règle d'or porte une sacrée ambition !

    Pas facile à mettre en pratique ?

    "Comporte toi envers autrui comme tu voudrais que l'on se comporte avec toi". Facile à dire, pas facile à faire !

    Je crois que la règle d'or commence avec le fait de penser à l'autre. Penser à l'autre, c'est déjà mettre en œuvre la règle d'or.

    Personnellement, j'essaye d'être attentif aux autres ; dans l'espace public, dans la rue, au marché, au travail... J'essaye d'être attentif à leurs besoins, et même de prévenir ces besoins (prévenance). Et ensuite j'essaye de voir comment je peux contribuer à satisfaire ces besoins ; sans oublier ou nier les miens ou les faire passer après ! Pour développer mon empathie, et "composer" mes besoins et ceux des autres, je m'appuie sur la communication non violente (CNV).

    J'essaye notamment de satisfaire chez les autres un besoin qui est très fort chez moi : celui de bienveillance. Par réciprocité, j'essaye d'être bienveillant avec les autres, de ne pas les juger (c'est super dur !!), de me dire qu'ils font du mieux qu'ils peuvent, comme moi.

    Vous allez me dire : "penser à l'autre, c'est fatigant, c'est une dépense d'énergie, il faut avoir de l'énergie, du temps". Je vous répondrai : oui et non ; parce que cela nous fait plaisir de faire plaisir à l'autre. Personnellement, je vois la règle d'or comme du gagnant-gagnant. Il est probablement plus facile de ne pas mettre en pratique la règle d'or, de ne pas se soucier des autres ; dans ce cas là, on ne perd rien, mais on ne gagne rien non plus...

    Pour la règle d'or comme pour d'autres résolutions, on peut penser à la devise de Jacques Cœur : "A cœur vaillant, rien d'impossible" ! La règle d'or est bien une histoire de cœur...

     

    CONCLUSION : peace and love !

    Même si elle figure dans les textes religieux, la règle d'or n'est pas une règle descendue du ciel et décrétée par les prêtres, du genre "tu dois faire à autrui ce que tu voudrais que l'on te fasse !". Je dirais qu'elle est dans l'homme, dans le cœur de l'homme ; à travers une de ses facultés les plus précieuses : l'empathie.

    Mettre en œuvre la règle d'or est bel et bien un choix, un choix éthique. Alors que répliquer à la violence par la violence est souvent une réaction impulsive, dont on paye le prix plus tard, la règle d'or se désire.

    La règle d'or est une invitation adressée à l'individu, aux individus. Quelque chose de difficile, certes, à mettre en pratique, mais possible, accessible, à la portée de chacun(e). Imaginons ce comportement vertueux appliqué, multiplié, par 1000, par 100 000, par 10 millions, par tout un chacun... On découvre alors derrière l'invitation de la règle d'or une perspective encore plus saisissante que les précédentes : la paix. Et même plus : l'harmonie entre les hommes ; pour ne pas dire l'amour...

    Une utopie, certes. Mais je suis d'accord pour dire que l'utopie, ce n'est pas l'irréalisable, c'est l'irréalisé... Et que sa réalisation repose sur chacun13.

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    Pour aller plus loin : Les ressorts de la règle d'or.

     

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    1  Capital, c'est à dire qui vient en tête (capita en latin). Fondamental, c'est à dire qu'il constitue un fondement, une fondation pour la société.

    2  Je crois que j'ai ce principe au fond de moi depuis mon enfance, mais de manière inconsciente. J'ai découvert qu'il s'appelait "la règle d'or" dans une émission sur France Culture ("Les racines du ciel", de Frédéric Lenoir, consacrée au livre que M. Olivier Duroi a consacré à la règle d'or). Certaines informations de cet article en sont tirées. Le reste est mon point de vue personnel.

    3  Voir notamment le développement des incivilités, ou un certain commerce qui revient à voler ou arnaquer l'autre (voir l'article sur ce blog : Le commerce c'est du vol)

    4  Dans la section "Devoirs" – article 2 : "Tous les devoirs de l'homme et du citoyen dérivent de ces deux principes, gravés par la nature dans tous les coeurs : - Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît. - Faites constamment aux autres le bien que vous voudriez en recevoir."

    5  C'est dans les lieux publics que l'on a le plus de chances de rencontrer "l'autre" !

    6  A la fin du discours : "Il y a une règle essentielle qui sous-tend toutes les religions : celle de traiter les autres comme nous aimerions être traités. Cette vérité transcende les nations et les peuples. C'est une croyance qui n'est pas nouvelle, qui n'est ni noire ni blanche ni basanée, qui n'est ni chrétienne ni musulmane ni juive. C'est une foi qui a animé le berceau de la civilisation et qui bat encore dans le cœur de milliards d'êtres humains. C'est la foi dans autrui et c'est ce qui m'a mené ici aujourd'hui."

    7  La règle d'or englobe d'ailleurs l'injonction biblique : ce qui peut motiver le plus à ne pas voler, c'est de ne pas vouloir être volé !

    8  Avec cet autre principe essentiel : "La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres." L'incivilité est au contraire l'absence de considération aux besoins et droits d'autrui, l'absence de respect. Les crottes de chien dans la rue, la musique à fond dans l'appartement, les dégradations du matériel public, etc.

    9  La règle d'or, en tant que principe altruiste, c'est un peu l'anti "loi de la jungle".

    10  On peut se rendre compte d'ailleurs que notre conception du respect est essentiellement négative : respecter l'autre, c'est surtout ne pas faire ci, ne pas faire ça...

    11  J'ai bien conscience que nous arrivons à coexister alors que la totalité des individus ne suit pas cette règle, ou pas tout le temps. Et je ne pense pas qu'aux voleurs, aux criminels, et aux adultères...!

    12  Je ne peux m'empêcher de penser au "Vous allez finir par vous aimer les uns les autres, bordel de merde !" des Inconnus dans leur sketch "Jésus II, le retour"...

    13  Je pense notamment à l'histoire du colibri popularisée par Pierre Rabbhi : je fais ma part...

     


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