• Thomas SANKARA, un héros africain

     

    Pour la première fois sur ce blog, un hommage. A Thomas SANKARA, président éphémère mais exceptionnel de la république du Burkina Faso, assassiné le 15 octobre 1987 alors qu'il avait à peine 38 ans...

     

    Je n'ai découvert son existence que récemment, mais le peu que j'ai pu lire et entendre me fait dire que c'était un homme éclairé et éclairant, pour son peuple mais aussi pour l'humanité toute entière. Un homme qui, pendant la courte période qu' "on" lui a laissé, a mis en œuvre des réformes structurelles ambitieuses (révolutionnaires...), au service de son peuple ; une politique qui a marché, puisqu'ont été observés des changements nombreux dans le "bon" sens !

     

    Thomas SANKARA, un héros africain

     

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    Thomas SANKARA était tout d'abord un militaire1. Capitaine, il a été élu premier ministre puis président de la république de son pays en août 1983. Un pays dont il remplacera la dénomination "Haute Volta" issue des colons français (1919), par "Burkina Faso", qui signifie en langues locales "pays des hommes intègres".

     

     

     

    Intègre, le président Sankara lui même l'était. Alors qu'elle gangrenait le pays, il a fait du combat contre la corruption une de ses priorités.

     

    Mais le cœur de sa politique était d'être utile à son peuple, de venir en aide aux plus démunis ; chez lui (son peuple étant l'un des plus pauvres de la planète) mais en ayant aussi une conscience très forte du problème de la pauvreté et de l'exploitation à l'échelle mondiale. "Oui je veux [...] parler au nom de tous les laissés pour compte parce que je suis homme et que rien de ce qui est humain ne m’est étranger." Phrase sublime !

     

     

     

    Parmi ses priorités, l'éducation et la santé. Il a notamment construit de nombreuses écoles et hôpitaux, et lancé une grande campagne de vaccination jusque dans les zones reculées de son pays, ce qui a fait fortement baisser la mortalité infantile.

     

     

     

    Sur le plan économique, Sankara a :

     

    • oeuvré pour l'équité salariale ;

    • imposé un train de vie modeste aux serviteurs de l'Etat, à commencer par lui-même2 !

    • entrepris des réformes agraires pour redistribuer les terres aux paysans ;

    • entrepris des réformes fiscales

    • ...

     

     

     

    Surtout, il avait compris que la faiblesse des ressources naturelles du Burkina ne suffisait pas à elle seule à expliquer la pauvreté de son pays. Il avait compris qu'en fait, malgré l'indépendance officielle obtenue des français en 1958, la colonisation – c'est à dire l'exploitation et le maintien du pays dans une "misère asservissante" – se poursuivait. Sankara souhaitait fermement sortir de cette misère, et en finir avec le colonialisme, sous ses formes modernes que l'on appelle néocolonialisme ou Françafrique. Il était essentiel pour lui d'affranchir son pays de la dépendance aux "aides" apportées par les pays étrangers, à commencer par la France ; de s'affranchir de la dette imposée ici comme ailleurs par les pays colonisateurs aux pays colonisés, de manière totalement inique3.

     

    Des discours très forts sur ce thème ont été prononcés par Sankara, en particulier devant l'assemblée des Nations Unies en 1984.

     

     

    Sankara avait compris qu'au lieu de produire à bas prix des produits destinés aux pays développés, le Burkina Faso devait produire ce dont il avait besoin, notamment sur le plan alimentaire. La promotion des fabrications locales allait de pair avec l'autonomie du pays. Par exemple, ayant imposé aux fonctionnaires de porter la tenue traditionnelle, se mit en place d'une filière de fabrication de ces vêtements par des artisans locaux, à partir de coton burkinabé.

     

    Ou plutôt des "artisanes", à qui ce nouveau travail assurait salaire personnel et davantage d'autonomie. Car Sankara était également très attaché à l'émancipation des femmes de son pays, exploitées au sein de la cellule familiale. Il a lutté contre l'excision des jeunes filles, réglementé la polygamie, favorisé la participation des femmes à la vie politique...

     

    Attaché aussi à l'écologie, il mettra en place un vaste programme de reboisement pour lutter contre l'avancée du désert dans son pays.

     

    Thomas SANKARA, un héros africain

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    Les interviews et discours de Sankara que j'ai pu voir m'ont fortement touché. Au delà de ses talents incontestables d'orateur, de son sens de l'humour et de la répartie, on voit clairement que c'était un esprit brillant, pertinent et novateur4. Un être habité et visionnaire ; conscient et agissant. Un président réellement humaniste. Sankara était clairement un être rare, une des personnalités positives les plus importantes du XXième siècle5.

     

     

    Mais le rêve a été brisé... Sankara, par sa politique radicale, devait inquiéter et gêner de nombreuses personnes. Qui ? Les commanditaires de son assassinat sont évidemment ceux à qui a profité le crime... En premier lieu Blaise Compaoré, qui prendra le pouvoir lors du coup d'Etat dans lequel Sankara a été tué. Il fera marche arrière par rapport à la politique de Sankara et conduira une politique autoritaire et très "françafricaine". Il restera au pouvoir pendant rien moins que 27 ans... Évidemment, la responsabilité de celui qui était pourtant le meilleur ami et le bras droit de Sankara n'a jamais pu être prouvée... Mais l'hypothèse d'un complot impliquant des pays étrangers, visant à mettre l'occidentalo-compatible Compaoré à la place du révolutionnaire Sankara, est objectivement la plus probable. Outre la Côte d'Ivoire voisine, de très fortes présomptions portent sur la responsabilité de l'Etat français d'alors. Celui était dirigé par François Mitterrand (président soi disant socialiste), Jacques Chirac (premier ministre) et un certain Jacques Foccart, délégué aux affaires africaines, homme pour le moins louche et grand ami, en juste reconnaissance, de nombreux dictateurs africains... Je ressens du dégoût quand je me dis que c'est "nous" qui avons éliminé Sankara, qui sommes responsables de cette perte colossale pour l'humanité.

     

     

     

    Enfin, son esprit, lui, est vivant et bien vivant6 ! Sankara est mort, vive Sankara !

     

     

     

     

     

     

     

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    SI VOUS VOULEZ ALLER PLUS LOIN

     

     

     

    - film documentaire "Capitaine Thomas Sankara", De Christophe Cupelin (2015)

     

    http://www.capitainethomassankara.net/

     

     

     

    - émission radio "Rendez vous avec X" ;

     

    "Thomas Sankara" (diffusé en 2002) : Site non officiel de l'émission

     

    "La revanche de Sankara" (diffusé en 2014) : Site non officiel de l'émission

     

     

     

    - site internet dédié à Thomas Sankara : http://thomassankara.net/

     

     

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    1 Un militaire pour le moins atypique ! Si, malgré son statut de président de la république, il conservait treillis, revolver à la ceinture et rangers, il portait une très grande exigence à la fonction militaire. Il a prononcé notamment cette phrase que je trouve extraordinaire de conscience : "Un militaire sans formation politique n'est qu'un criminel en puissance."

     

    2 Pas de bling-bling comme ses homologues africains, souvent plus monarques que présidents, à commencer par son successeur Blaise Compaoré. Sankara ne se déplaçait pas en limousine mais en Renault Super 5 !

     

    3 Voir le film documentaire "La fin de la pauvreté (?)" (Philippe Diaz, 2009) et l'action du CADTM, comité pour l'abolition de la dette du Tiers Monde (aujourd'hui "abolition des dettes illégitimes").

     

    4 Non, je ne parle pas de ce falot d'Emmanuel Macron !

     

    5 Comme tout être humain et spécialement les hommes politiques, Sankara n'était certainement pas exempt de contradictions et de côtés obscurs. On lui a reproché notamment une certaine naïveté, un côté populiste et démagogique et une tendance à décider de tout, tout seul. On lui a aussi reproché les abus commis par certains chefs locaux de la révolution.

     

    6 Le soulèvement populaire qui a chassé Compaoré du pouvoir en 2014 (parce qu'il voulait modifier la constitution burkinabé pour pouvoir se représenter aux élections présidentielles une nouvelle fois!) se référait directement à Thomas Sankara.

     


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