• Pourquoi il faut sortir du nucléaire

    La raison principale, c'est que pour moi le risque présenté par les installations nucléaires est inacceptable. Totalement inacceptable. On ne peut pas prendre le risque ; on ne doit pas le prendre.

     

     

    Pourquoi il faut sortir du nucléaire

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    Quand je parle de risque nucléaire, c'est celui d'un accident bien sûr ; au niveau d'une centrale produisant de l'électricité ou d'un laboratoire. C'est le risque sur lequel je vais me focaliser ici. Mais on peut aussi prendre en compte les risques de pollution que pourront causer les déchets nucléaires (y compris les centrales désaffectées) sur les décennies et siècles à venir ; et aussi le risque d'une utilisation de l'atome à des fins militaires, et plus seulement énergétiques.

    Je fais rapidement un peu de théorie pour m'expliquer ; n'ayez crainte, c'est une théorie simple et naturelle1. Qu'est ce que un risque ? C'est la rencontre d'un aléa (un événement dangereux susceptible d'arriver) et d'une population2. L'aléa est lui-même la combinaison du niveau de dangerosité de l'évènement et de sa probabilité.

    Bon, eh bien qu'en est-il d'un accident nucléaire ? Ce qui le caractérise, je crois, c'est d'abord une dangerosité colossale.

     

    Le nucléaire, le poison absolu

    Il y a déjà la puissance "diabolique" intrinsèque de l'atome. C'est simple : la radioactivité3, c'est presque le poison absolu. Le corps humain résiste mal à l'inhalation ou à l'ingestion de substances radioactives. Une exposition marquée à ces substances, c'est la mort assurée ; une exposition plus faible et ce sera "juste" un cocktail de maladies plus sympathiques les unes que les autres (leucémie & cancers, maladies cardiaques...)4.

    Un accident nucléaire, c'est la libération dans l'environnement d'une quantité importante de substances radioactives. Ces substances vont se disséminer ; en quelques jours, en quelques semaines, elles sont partout : dans l'air que l'on respire, dans l'eau que l'on boit, sur les aliments que l'on mange. Ces substances sont invisibles. On ne voit qu'après coup les symptômes de leur action délétère sur son organisme. Pas moyen d'y échapper, pas moyen de se protéger. Et il n'y a pas d'antidote !5.

    Par ailleurs, à l'échelle d'un territoire, d'un pays, d'une collectivité, "gérer" les conséquences d'un accident nucléaire me paraît une tâche insurmontable ; nos sociétés, nos organisations politiques, médicales, techniques, sociales, économiques, ne peuvent pas faire face. C'est trop gros. Il y a trop de personnes concernées, trop d'implications. Que l'on voie comment le Japon se débat actuellement, un an après la catastrophe qui l'a frappé ; rien ne peut être comme avant.

    La zone d'impact

    Ce qui est aussi caractéristique de l'accident nucléaire, c'est que la zone d'impact, là où il va faire sentir ses effets, est énorme. Quand une usine comme AZF explose, cela fait des victimes et des dégâts au delà de l'enceinte de l'usine, mais dans un périmètre relativement restreint ; on est à l'échelle du quartier. Un grand barrage qui rompt, ce sont les villes et villages situés à l'aval qui vont souffrir, du moins les quartiers situés au bord de l'eau ; la zone s'étend déjà sur plusieurs kilomètres. Un accident nucléaire, tel Tchernobyl ou Fukushima, c'est un territoire entier qui est touché. Plusieurs kilomètres carrés autour de la centrale déjà, où les personnes seront fortement exposées aux radiations ; plusieurs kilomètres carrés contaminés pour des dizaines voire des centaines d'années ; où personne ne pourra plus vivre, ou presque ; plus travailler, cultiver la terre, pêcher, se balader. Si la centrale de Bugey, dans l'Ain, explose un jour, plus personne ne remettra jamais les pieds dans la banlieue lyonnaise ! Ce serait comme un no man's land ; une partie du territoire condamnée, interdite, qui n'existerait plus pour l'homme.

     

    J'ai parlé là du secteur relativement proche de la centrale. Mais les vents et les nuages ne connaissent pas de limite, pas de frontière6. Une centrale explose au Japon en 2011, mais c'est quasiment toute la surface de la Terre qui a été parcourue par le "nuage" radioactif ! Une centrale explose en Ukraine en 1986, et l'on a encore des problèmes fréquents de thyroïde en Corse, vingt cinq ans après, à des milliers de kilomètres de là. L'accident nucléaire, c'est encore plus fort que la mondialisation ! Ce qui arrivera à l'autre bout du monde, loin, très loin de moi, me concernera quand même ; et je n'aurai pas le choix !

    La rémanence

    Reste enfin que les substances radioactives restent actives, justement, pendant des durées fantastiques. Des dizaines, des centaines, des milliers d'années pour certaines. Le lendemain d'une inondation ou d'une explosion industrielle, tout une ville est saccagée ; les gens pleurent leurs morts. Un mois après, le nettoyage est quasiment achevé. Un an après, on ne voit pratiquement plus les dégâts ; les polluants répandus dans la nature se sont plus ou moins dilués ; la vie a repris son cours. Les victimes ne reviendront pas à la vie, mais, pour le reste, ce type d'accident est quasiment réversible. Dans le cas d'un accident nucléaire, au moins pour la zone proche des faits, ce sera tous les jours comme si on était le lendemain de l'accident... Un mois, un an, trente ans plus tard, il y a toujours des personnes qui succombent aux effets des radiations ; l'eau et les sols sont toujours contaminés, impropres à tout usage. La durée de vie des substances dépasse très largement la durée de vie humaine ; l'énergie atomique est de fait au delà de notre mesure. Ne serait-ce que pour cela, l'aventure du nucléaire reste une folie.

    Au final, il est clair pour moi que le risque nucléaire surpasse très largement tous les autres. L'accident nucléaire est bien la pire des catastrophes.

    Malheureusement l'accident nucléaire n'est pas improbable

    On évalue en général la probabilité de survenance des accidents soit sur une échelle qualitative (par exemple : événement courant > probable > improbable > très improbable > extrêmement improbable), soit une échelle quantitative, quand les ingénieurs qui font les calculs réussissent à sortir de leur chapeau la valeur de la probabilité de l'accident (par exemple : une "chance" sur 100 que ça arrive dans l'année, une chance sur 1000, une chance sur 10 000, etc.).

    Sachant que le risque c'est, en gros, la gravité multipliée par la probabilité, j'ai déjà envie de dire que pour "annuler" la gravité colossale d'un accident nucléaire et obtenir un niveau de risque très bas – pour rendre acceptable le risque donc – il faudrait une probabilité très très faible. Or ce n'est pas le cas ! Je ne me livrerai pas ici à des calculs savants, mais simplement à une constatation des faits. Regardons les accidents nucléaires ayant eu des effets en dehors du site où ils se sont produits, i.e. les accidents qui ont été classés 5, 6 et 7 sur l'échelle internationale (qui va de 1 à 7) : on trouve 7 accidents, dont ceux de Sellafield (GB – 1957), Three Miles Island (USA -1979), Tchernobyl (Ukraine – 1986), et Fukushima (Japon - 2011)7. Or les centrales nucléaires n'existent que depuis les années 19508 ; en un peu plus de 50 ans donc, on a eu, de par le monde, 7 accidents importants ; cela fait environ 1 tous les 8 ans ! De quoi douter fortement en entendant tous les discours sur la sûreté des centrales nucléaires, et sur la confiance que l'on doit avoir dans la conception, dans l'exploitation et dans la surveillance des installations nucléaire. Un accident nucléaire demeure un événement probable ! Tous fortiches que nous soyons, ou que nous croyons être, rien ne peut empêcher un accident. Il suffit d'une erreur humaine ou d'un épisode climatique exceptionnel9.

    Voilà pourquoi le risque nucléaire est inacceptable ; combiner un tel niveau de dangerosité et une telle probabilité, c'est tout simplement du suicide!10 On ne doit pas jouer avec le nucléaire, c'est beaucoup trop dangereux ; c'est au delà de nos capacités.

    Sortir du nucléaire

    Pour moi, rien ne peut valoir de courir ce risque. Rien. Dire "mais on a besoin du nucléaire pour produire notre électricité" est tout simplement irresponsable. Les autres arguments qui sont mis en avant par ses zélateurs pour justifier le maintien voire le développement de la production nucléaire (le nucléaire bon pour l'effet de serre, l'électricité nucléaire moins chère pour le consommateur, ça coûterait trop cher d'arrêter, …) sont non seulement faux11 mais, mêmes vrais, ils ne feraient pas le poids par rapport au niveau de risque.

    Conclusion : il faut sortir du nucléaire. Le choix me paraît logique ; évident . Il ne viendrait à personne d'avoir chez lui et de continuer à se servir d'un appareil dont il sait qu'il peut exploser à la figure de sa famille n'importe quand ; même si cet appareil lui rend de précieux services. C'est la même chose pour le nucléaire, à l'échelle de nos sociétés humaines. Sur le principe. Evidemment, j'ai conscience de toute la difficulté technique, et même psychologique, pour opérer ce choix12. Mais la sortie du nucléaire s'impose. Il faut le faire. Quelles qu'en soient les implications ; quelles qu'en soient les difficultés : elles ne dépasseront jamais celles, insurmontables, que nous aurions à affronter en cas d'accident.

    Sortir du nucléaire implique 2 choses : d'une part satisfaire nos besoins avec d'autre formes d'énergie ; d'autre part réduire sensiblement notre consommation d'énergie, via la sobriété d'une part et l'efficacité énergétique d'autre part13. Personnellement je suis prêt à faire l'effort de la sobriété. Mon choix est vite fait. Je préfère cela à la catastrophe.

    Et vous ?

     

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    1  Je me base sur l'approche générique que l'on a des risques en France, tant dans le domaine des risques naturels (comme les inondations, les séismes...) que des risques industriels (explosion dans une usine chimique, rupture d'un barrage...).

    2  Le contre-exemple classique, c'est celui d'un bloc rocheux qui menace de se décrocher d'une falaise : s'il n'y a pas de village ou de présence humaine en dessous, il n'y a pas de risque.

    3  Radioactivité artificielle, je précise. Il existe aussi une radioactivité naturelle, de par la présence naturelle de substances radioactives dans le sol, mais elle est généralement limitée.

    4  Le nombre de victimes causées par l'accident de Tchernobyl serait de l'ordre d'un million de morts. Un million ! Et encore davantage de personnes malades ! L'évaluation fait cependant est l'objet d'une controverse. Pour l'accident de Fukushima, le nombre de décès et de victimes à ce jour est limité ; on connait surtout le nombre de personnes déplacées (de l'ordre de la centaine de milliers de personnes. Mais, là aussi, la validité des informations qui circulent est sujette à caution.

    5  Dans le domaine de l'analyse des risques on emploie souvent la notion de vulnérabilité des populations et enjeux qui sont exposés au risque. Dans le cas du risque nucléaire, la vulnérabilité m'apparaît comme totale.

    6  N'en déplaise au fameux professeur Pélerin, manifestement plus expert en enfumage et mensonges d'Etat, qu'en météorologie et en géographie...

    7  Source : Wikipédia > INES. Si quelqu'un trouve une autre source plus à son goût, vous pouvez me la communiquer.

    8  Première centrale russe en 1954, première centrale anglaise en 1956, première centrale française (Chinon) en 1963.

    9  Exemples : une sécheresse prolongée comme celle de l'été 2003, qui a mis à mal le refroidissement des centrales françaises avec les fleuves et rivières ; une crue dont les embâcles bouchent les prises d'eau du système de refroidissement ; un séisme ; une vague plus haute que celle que l'on avait prévue quand on a dimensionné la digue qui protège la centrale, etc. Ce n'est pas parce qu'un événement est improbable qu'il ne se produira pas ! Une crue millénale, par exemple, a une chance sur 1000 de se produire dans l'année ; elle correspond à un débit énorme, donc peu probable. Une crue d'un tel débit peut survenir dans 1000 ans, ou dans 50 ans, mais aussi le mois prochain. La nature n'a pas d'agenda ! Et presque pas de limite. A un endroit donné, il peut toujours se produire un séisme plus fort que ce qu'on estime être le séisme maximum.

    10  Cet exposé peut paraître catastrophiste. Mais mon objectif n'est pas de faire peur ; je dis juste qu'il y a des raisons d'être inquiet, qu'il ne faut pas se voiler la face, et qu'il faut en tirer les conséquences. Je sais qu'être lucide n'est pas forcément toujours très réjouissant, mais je préfère cela à l'optimisme de l'aveugle. En tous cas, moi je suis inquiet ; et je suis sûr d'une chose : je ne veux pas d'un nouvel accident nucléaire, ni pour moi, ni pour ma famille. Voir aussi l'article sur Catastrophisme sur ce blog.

    11  Je ne développe pas ici, désolé. Vous trouverez des contre-arguments sérieux dans les livres et sites Internet spécialisés. Notamment le "réseau sortir du nucléaire" évidemment.

    12  Surtout dans nos sociétés occidentales, dont le trait caractéristique par rapport à d'autres sociétés du passé ou d'autres régions du monde, est peut être le niveau de la consommation d'énergie ; il est non seulement exceptionnel et mais semble par ailleurs condamné à augmenter perpétuellement. Du moins jusqu'à ce que nous rencontrions les limites physiques de la planète sur laquelle nous vivons...

    13  La seconde condition est dictée par la première : au moins à court terme, les énergies alternatives ne pourront pas compenser la baisse de la production nucléaire, sachant aussi que le recours aux énergies fossiles devra lui aussi être limité, du fait de leur renchérissement inévitable (cf. le phénomène de pic de Hubert) et de leur effet sur le changement climatique.

     

     


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