• Les financiers, des délinquants comme les autres...

     

    J'ai déjà évoqué dans des articles précédents (Le principe de rentabilité ; Mettre des limites à la cupidité) la recherche de profit inassouvie menée notamment par les financiers, les capitalistes, traders et compagnie ; par ceux qui, parfois en seulement quelques clics sur un clavier d'ordinateur, "investissent" une somme d'argent en lui demandant de revenir rapidement grossie d'au moins 15 %, au mépris de tout le reste (utilité sociale de cet "investissement", conséquences sur les conditions de travail dans l'entreprise, conséquences écologiques, etc.).

     

    Quand on prend toute la mesure du mal généré dans la société par l'application de ce principe de rentabilité, on arrive à cette considération : les financiers sont des délinquants !

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    Les financiers sont des délinquants1 !

     

    Soyons clairs : je ne parle pas de ce que la loi appelle "délinquance économique et financière", i.e. des actions qui enfreignent le cadre légal ou réglementaire : fraude fiscale, détournements de fonds, corruption, etc. Je parle de la façon dont notre économie fonctionne structurellement aujourd'hui :l'économie financiarisée. Cette façon est considérée comme tout à fait normale et indiscutable par nos institutions politiques et nos élites. Si on leur posait la question, ces élites ne verraient probablement aucune alternative à la financiarisation de l'économie...

     

    "La finance" est donc tout à fait légale. Et pourtant, alors qu'un délinquant "classique" ne nuit souvent qu'à une poignée de personnes, un financier, lui, par sa seule exigence de rentabilité, nuit à un grand nombre de personnes, parfois même sur plusieurs continents simultanément ! C'est pour moi une sorte de crime organisé. Un mode de fonctionnement toléré par les peuples alors qu'il lui est néfaste. Exactement comme une dictature... (c'en est une d'ailleurs : la dictature de la finance... Le primat de l'économique sur tous les autres aspects – ce que l'on appelle économicisme – est même déjà une dictature).

     

    De la même façon que l'on doit empêcher les délinquants "classiques" de voler les sacs à mains, de braquer les magasins, et de dérober les fils de cuivre (etc.), on devrait mettre hors d'état de nuire cette institution délétère qu'est la finance. La société, c'est à dire l'ensemble de la population, de la communauté politique, devrait se protéger contre les méfaits de ces quelques personnes. Toutes les sociétés, même, sur la planète entière, puisque la finance n'a pas de frontière, et exploite aussi bien une malaisienne qu'un belge.

    Se protéger y compris par la loi : en abaissant significativement la limite entre les pratiques financières qui sont tolérables et celles qui ne le sont pas.

    La liberté de ces gens de faire des affaires, de jouer au casino avec l'économie réelle, leur liberté de s'enrichir, s'arrête là où commence la liberté de tous les autres citoyens d'être respectés, d'avoir un travail, et de travailler dans des conditions dignes2, d'être rémunéré équitablement, de vivre dans un environnement sain, de consommer des aliments sains, de se procurer des produits de qualité3, etc.

    Il est temps que le peuple prenne conscience de ceux qui, dans le fond, lui font du mal, et qu'il se donne les moyens de les mettre hors d'état de nuire4.

     

    Oui, il faut bien financer l'économie (rappel de la définition : ici) ; mais je crois qu'on peut le faire autrement qu'aujourd'hui. Rappelons tout d'abord cette lapalissade : avant la période de "financiarisation de l'économie", dans les années 1980-1990, le poids de la finance dans le fonctionnement de l' "économie réelle"5 était beaucoup plus limité, beaucoup moins déterminant. Mais, je ne parle pas de revenir au capitalisme de papa ! Il faut être plus ambitieux et innovant, et mettre en œuvre une économie alter-capitaliste, basée sur un financement "citoyen". C'est à dire d'une part une économie qui soit davantage financée par les citoyens eux-mêmes (via l'épargne, les fonds publics, les bénéfices des sociétés publiques ou coopératives...), avec un contrôle de ces investissements ; d'autre part que ce financement vise l'intérêt général (productions utiles à la société, respect de l'humain et de l'environnement).

     

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    1  Etymologiquement, le mot délinquance vient du latin deliquentia : faute, délit, crime, péché ; il est apparenté à delinquere : manquer à son devoir, pécher, fauter. Source : toupie.org (excellent site d'ailleurs, que je recommande)

    2  Sécurité au travail, conditions sanitaires, conditions "humaines", etc.

    3  Contre-exemples : les pulls épais comme une feuille de papier ; les appareils électroniques qui claquent au bout de 2 ans par obsolescence programmée ; les végétaux et animaux alimentaires dopés aux produits chimiques pour accélérer leur croissance ; etc.

    4 Soyons aussi lucides sur les intentions réelles de ceux qui se déclarent "ennemis de la finance"...

    5  On a dû inventer cette expression justement à cette époque là, pour distinguer l'économie virtuelle des flux financiers, et la vraie économie (production et distribution de biens et services).

     

     


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